Gérard Noiret.
TOUTES VOIX
CONFONDUES
Edition Maurice Nadeau /
Collection les Beaux jours.
Gérard
NOIRET
est un poète de
notre temps. Ancien directeur de
collection, membre des comités de rédaction
de La Quinzaine Littéraire
et de la revue Europe, il participe également
à de nombreuses revues poétiques.
Depuis «Le pain aux alouettes », son premier
livre, Gérard NOIRET édifie un projet
littéraire où chaque ouvrage
vient préciser les différentes parties d’une plus large fresque. Après Chatila , Le commun des
mortels, Chroniques d’inquiétudes et Tags , Toutes voix confondues s’inscrit dans ce projet
en posant à nouveau l’individu
au cœur de la parole poétique .L’emploi de
procédés littéraires variés : prose, journal, note, poème,
évoque la diversité, suggère
l’altérité et tente d’approcher au plus
près l’expression d’une parole intime.
La tragédie du quotidien.
Scrutateur
assidu de l’individu dans le quotidien Gérard NOIRET débusque dans les moindres
recoins de l’intime nos faiblesses, nos résignations mais aussi nos combats et nos
rêves déchus. Des personnages-poèmes portent parfois des noms mythiques comme
si le poète souhaitait restituer une grandeur au commun des mortels
pris dans les rouages de l’existence humaine. La parole poétique laisse
poindre une compassion qui ne dénude jamais – l’Autre – de sa dignité et
esquisse l’être humain dans des reflets d’éclats contrastés .
Un beau livre, un lieu.
Toutes voix confondues renoue
avec le genre de l’épopée. La tâche que
s’impose Gérard NOIRET est de remettre l’homme et ses dualités au centre de
l’Histoire et de l’histoire individuelle. L’être face aux vicissitudes de la
conquête humaine, des Torréens (1) jusqu'à
nos jours. Ici, nul héros. L’individu, seul, est pris dans le vaste canevas que
trament, le temps, la personne et les évènements.
Ce
beau livre est publié aux éditions Maurice Nadeau. Il est le premier de la
collection Les Beaux Jours créée
en coédition avec la municipalité d’Achères (Yvelines) et dont la vocation est
de rassembler les œuvres picturales d’un artiste et les textes d’un écrivain.
C’est
Dominique FAJEAU qui accompagne les poèmes de Gérard NOIRET. Des peintures
d’une facture abstraite, où souvent
deux, trois couleurs dominent avec
nervosité et inquiétude. Parfois
l’approche d’un monochrome laisse apparaître l’apaisement : le repos.
Constitué
de six parties distinctes, l’ensemble des poèmes est répertorié, classé,
numéroté, titré. Les poèmes s’articulent parfois en deux, trois volets ou
davantage. On pense à des diptyques, des triptyques ; on songe à un trajet, un
parcours aux arrêts numérotés : un chemin de croix (de stèles ?). Si on note que le verset est
ici employé, on ne peut ignorer l’inclinaison du livre au Sacré pour considérer que le livre est un Lieu où le
lecteur se recueillerait à l’écoute des
voix.
Poèmes à une voix et poèmes
«polyphoniques».
Le
poème accueille à la fois des voix singulières et celles confondues dans
l’histoire de l’homme et la diversité de sa nature. Des voix s’élèvent, une à
une par poème ou ensemble réunies dans le même poème. C’est alors une forme
théâtrale, avec une polyphonie de voix, qui prend corps.
Chez
Gérard NOIRET le poème naît souvent du choc de deux réalités comme dans les Les
Proportions où la perception d’une réalité
effroyable jouxte le dérisoire. La veine
poétique de Gérard NOIRET demeure résolument dans la sphère de l'être humain. A
ses côtés l’oubli est impensable. Nul, perdu dans l’immensité du temps, à la
périphérie des guerres ou au seuil de sa propre histoire ne doit être oublié.
Tout nom doit être noté, notifié,
inscrit ; tout geste remémoré , commémoré. Alors seulement et à ce prix
ils renaissent, «…au-dessus des grillons » ou de couples «- Amants,
heureux amants,… » dont le rituel amoureux inspire aux voix désincarnées, des regrets.
Que ça touche à ton être...
« ...Quand l’insouciance pivote sur ses gonds
que ça touche à ton être…et que tout vérifie » LA BLEUISSURE
« ... L’œil du lapin avec sa paupière mal fermée,
l’iris tourné vers le rien
brandit au-dessus des tranchées… » L’OFFENSIVE
Il
y a dans ces versets ce qui sous-tend et
ce livre et la destinée de toute vie humaine. Ce qui
plane, perpétuel, au- dessus de chacun et achoppe à la rencontre des deux
histoires, l’individuelle et l’Officielle.
Et lorsque
« ... Aussi nombreux qu’ils soient leurs dépôts
n’augmentèrent pas
D’un seul millimètre la tourbe qui fait le
gros dos entre les mares » DE LA FALAISE
Gérard
NOIRET nous suggère peut-être, à l’aube de ce prochain millénaire et alors que
l’actualité nous assaille de sa barbarie renaissante, de nous interroger sans
répit sur le “Sens”. Celui de nos pas – singuliers –, celui de nos gestes – quotidiens – face aux bornes inextinguibles qui délimitent toutes vies. Il
confronte les grands mécanismes qui président au déroulement de l’Histoire avec
celui de cette palpitation au creux de notre poitrine et nous laisse à penser
que l’inégalité du rapport ne laisse que peu de marge pour incliner la
tendance.